Elle ne pouvait en vouloir à Emily de venir rendre visite à Jamie. Après tout, ils avaient été tous deux très proches, et sans doute auraient-ils été ensemble si la duchesse n’avait pas mis les pieds à Astoria. Parfois, elle se demandait comment les chosées se seraient déroulées si elle n’avait pas décidé de venir vivre à Astoria. Elle se sentait parfois coupable de s’être mis en travers de leur relation, déjà ambiguë entre eux, et qui se serait sûrement conclue si elle n’avait pas été là, à tourner autour de Jamie, alors qu’elle-même était mariée, et qu’elle aurait mieux fait de s’abstenir. Pourtant, elle était incapable de l’imaginer avec une autre femme. Elle en serait verte de jalousie. Elle savait que c’était égoïste, que Jamie méritait d’être heureux avec une femme célibataire, et qui n’était pas poursuivie par les problèmes, et pourtant, elle ne pouvait se résoudre à le laisser s’en aller. « Tu n’as pas à te justifier, tu sais. » lui dit-elle avec un mince sourire, même si elle appréciait entendre cela de la bouche du jeune homme. Au moins, elle était rassurée quant à ses sentiments envers Emily. Apparemment, ils n’étaient plus qu’amicaux. Néanmoins, elle se demandait si parfois, lorsqu’ils se voyaient, si l’ambiguïté qu’il y avait auparavant persistait encore aujourd’hui. Mais elle balaya vite cette pensée. Meghan se mit à rire. « Il y a de grandes chances, en effet. » fit-elle.

Elle lui expliqua par la suite les blessures qu’elle avait eues, suite au plafond qui leur était tombé dessus. Elle n’arrivait pas à s’en remettre. Si physiquement elle allait mieux, ce n’était pas le cas psychologiquement. Elle se sentait parfois dans un étau qui se serrait et se desserrait sans crier gare. Elle se sentait seule, terriblement seule, et parfois vide. « Ne le sois pas. Ce n’est pas de ta faute. » dit-elle simplement en serrant sa main dans la sienne. Il lui arrivait encore de revoir les images de ce plafond qui leur tombait littéralement sur la tête. Elle se souvenait de la douleur, du froid, et de la peur aussi. « Oui, ne t’inquiète pas. Tout va bien pour moi, pense à toi avant tout. » dit-elle simplement avec un léger sourire, tandis qu’il semblait constater qu’elle était triste, inquiète. Elle sentit un nœud se former dans sa gorge mais elle prit sur elle, tirant sur son pull, comme si elle voulait cacher ce ventre qui avait nié abriter un petit être pendant plusieurs semaines. « Non, tout va bien. Je suis juste soulagée de te savoir vivant et réveillé. » dit-elle simplement. Elle ne voulait pas qu’il s’inquiète, mais il la connaissait si bien.

Elle lui dit qu’elle était désolée pour Amelia. Même si elle ne l’appréciait pas, elle ne méritait pas ce qu’il lui arrivait. « Non, mais on me l’a annoncé il y a quelques temps déjà… » expliqua-t-elle. Lorsqu’elle avait pu sortir de sa chambre, et partir, elle avait également demandé des nouvelles d’Amelia, et avait été peinée d’apprendre qu’elles n’étaient pas bonnes du tout. « Je sais. Personne ne pourra te dire quoi faire. Il faut que tu prennes ton temps. Ce n’est pas le genre de décision facile, et peut-être que tu peux t’appuyer sur sa mère, qui, je pense, a peut-être elle aussi son mot à dire à ce sujet… » fit la duchesse. Elle savait qu’en tant que mère, qu’elle voudrait être associée à toutes les décisions qui pouvaient être prises au sujet de son fils. Elle sourit alors qu’il embrassait sa mère, lui déclarant qu’il aimerait l’embrasser. Elle se fit une place à côté de lui, et s’assit à ses côtés sur le lit. « Tu sais que ce n’est pas raisonnable. C’est la morphine qui parle. » fit-elle simplement, un sourire aux lèvres.

Elle sourit alors qu’elle lui dit qu’il tenait à ce qu’elle sache qu’il n’était juste qu’ami avec Emily. Elle le croyait, même si elle savait que du côté d’Emily, les choses n’étaient peut-être pas aussi claires. Mais comment pouvait-elle en vouloir à son amie, alors qu’elle-même était amoureuse de cet homme ? Seulement, à la différence de la jeune femme, elle était mariée, et ne devait pas éprouver ce genre de sentiments pour un autre homme que pour son mari. Quand elle avait mis fin à leur relation, juste après l’enterrement de Dulcie, Meghan savait que c’était la meilleure chose à faire et qu’ils devaient reprendre leur vie chacun de leur côté. Pourtant, quand il s’était affiché avec Amelia, elle ne l’avait pas digéré, et avait tellement eu mal au cœur qu’elle avait eu l’impression d’étouffer. Le fait était qu’elle n’arrivait pas à le laisser partir alors que c’était pourtant ce qu’il y avait de mieux à faire, pour son mariage notamment.

La duchesse expliqua alors les blessures qu’elle avait eues suite à cette soirée, durant laquelle le plafond leur était littéralement tombé sur la tête. Physiquement, elle ne s’en sortait pas trop mal, si on mettait de côté le fait qu’elle avait perdu son bébé. Psychologiquement, il en était tout autre. Elle lui sourit tristement alors qu’il lui disait qu’il aurait aimé mieux la protéger. « Tu ne pouvais rien faire de plus, Jamie. Ce n’est pas de ta faute, ni de la mienne. C’était un malheureux accident. » dit-il, essayant de se convaincre elle-même que c’était ce que ce fut, et qu’il fallait qu’elle passe à autre chose. Mais elle n’y arrivait pas. Elle restait bloquée sur cette perte qui l’avait énormément affectée alors qu’elle n’en avait eu connaissance que trop tard. « J’en suis heureuse, alors. » lui dit-elle simplement en serrant sa main. Elle avait eu tellement peur de le perdre. Cette simple idée l’avait tenue éveillée de nombreuses nuits.

Elle préféra changer de sujet en parlant de l’état d’Amelia. Elle était dans le coma et, d’après les médecins, il n’y avait pas grand espoir qu’elle se réveille un jour. La situation était délicate pour Jamie qui se retrouvait dans une position des plus inconfortables. « Bien entendu. C’est difficile comme décision. La pire que l’on puisse prendre. Il va falloir que vous vous souteniez l’un et l’autre. » dit-elle avec bienveillance. Meghan soupira. Une des épreuves les plus difficiles était également de devoir annoncer à leurs enfants que leur mère était partie, et au vu de leur jeune âge, cela n’allait pas être une mince affaire. « Je suis désolée, Jamie. » dit-elle simplement. « Ces enfants ont vécu déjà tellement d’épreuves à leur âge. » Elle se sentait triste pour eux, ils n’avaient pas mérité ça. A croire que le sort s’acharnait sur certaines personnes.

La jeune femme s’était permis de s’asseoir à ses côtés, alors qu’elle sourit quand il lui disait vouloir l’embrasser. Elle supposait que c’était là un des effets de la morphine, mais le jeune homme semblait en décider autrement. « Je ne pense pas que ça soit une bonne idée. » lui dit-elle à contrecœur. Ils devaient cesser. Elle était soulagée de le savoir en vie et réveillé, mais elle devait garder à l’esprit qu’ils avaient mis fin à leur relation quelques temps avant l’accident. Aussi, elle devait garder à l’esprit que l’enfant qu’elle avait perdu était probablement le sien, et que si cela venait à se savoir, elle serait ruinée sur tous les plans.