Le plus difficile, c’était sans doute de se retrouver hors de l’ascenseur, et de le voir encore dedans, alors qu’il devenait de plus en plus instable. Il était impossible pour elle de rester là sans rien faire, à se faire soigner une plaie qui saignait encore mais dont la douleur s’était évaporée pour laisser place à la peur de perdre celui qu’elle aimait aux confins d’un immeuble. Elle maudissait cette bâtisse, elle maudissait cet ascenseur, et elle maudissait les pompiers de ne pas pouvoir le sortir de là. Elle devait prendre sur elle, mais elle se laissait déborder par ses émotions, se précipitant vers l’ascenseur et implorant les secouristes de sortir Jamie de là. Elle n’entendait que des voix lointaines qui la sommaient de s’éloigner, trop aveuglée par cette peur, cette angoisse que son amant disparaisse à jamais. Elle était toujours retenue par ce bras qui l’empêchait d’approcher, et elle gigotait, espérant s’en libérer, en vain. Elle entendit l’orage tonner encore, et les radios des policiers et pompiers présents qui indiquaient l’ampleur des dégâts à l’extérieur. Difficile d’imaginer autre chose que l’horreur qui se passait là, devant elle. Elle n’arrivait pas à voir plus grave que ce qu’il se passait là devant ses yeux. Elle vit qu’on tirait Amelia hors de là, mais Meghan continuait à faire de la résistance alors qu’on la menaça de l’extraire de force d’ici. Mais elle avait peur, et cette peur oppressa son cœur un peu plus alors qu’un câble de l’ascenseur lâcha sous l’effet d’une autre secousse encore plus forte. Elle fut maintenue par le pompier qui la tenait toujours, mais elle lut dans ses yeux que lui aussi commençait à comprendre la gravité de la situation.

Et puis, il y eut un tremblement, un bruit étrange et Meghan eut juste le temps de lever la tête qu’alors le plafond lui tomba dessus, la plaquant avec violence au sol. Elle ne savait pas combien de temps elle était restée inconsciente, ce fut la douleur qui l’avait réveillée, un mal de tête assommant, et un thorax qui lui faisait terriblement mal lorsqu’elle respirait. Elle toussota, tenta de se relever mais c’était chose impossible avec ce poids sur son dos. Elle bougea, tenta une énième fois de sortir de là, et elle sentit quelques débris bouger et tomber à côté d’elle. Elle s’arrêta, fatiguée par ce peu d’efforts alors qu’elle tourna la tête, voyant Jamie à côté inconscient. Elle trouva la force de s’extirper des débris, tirant sa robe déchirée vers elle alors qu’elle avait mal à l’épaule. Elle semblait s’être démise et ça lui faisait un mal de chien. Elle avait envie de hurler de douleur, et elle ravala ses larmes qui coulaient le long de ses joues. « Jamie ! » dit-elle en se tirant vers lui. « Jamie, Jamie, réveille-toi ! » dit-elle en le secouant légèrement. « Allez, réveille-toi ! » Elle continuait à le secouer, doucement pour ne pas lui faire de mal si jamais il était blessé. Elle ne voulait pas croire qu’il soit mort, il devait forcément être vivant. « S’il te plaît… » l’implora-t-elle en le prenant contre elle. « S’il te plaît, Jamie ! » Il ne pouvait pas partir ainsi, il ne pouvait pas la laisser toute seule, pas comme ça. « A l’aide ! » criait-elle, « Aidez-nous ! » mais sa voix était faible, et ne portait guère loin. Elle allait devoir attendre que les secours viennent à eux.

Elle se sentait démunie face à cette situation. Elle avait mal, tellement mal à son épaule, à sa tête, à sa poitrine. Et Jamie qui était dans ses bras, qui ne se réveillait pas. Elle avait beau le secouer, c’était en vain. Rien n’y faisait, ses yeux ne s’ouvraient pas. Tant pour son épaule, elle le tenait contre elle, parce qu’elle ne voulait pas croire qu’il était parti. Pas lui. Pas maintenant. Pas alors qu’elle voulait lui crier qu’elle l’aimait, pas avant qu’il lui ait expliqué pourquoi il s’était remis avec Amelia, pourquoi il la protégeait aux dépens de son propre bonheur. Il ne pouvait pas partir comme ça. La solution qui restait, c’était d’appeler les secours, mais sa voix ne portait pas loin, du fait de sa douleur à la poitrine qui l’empêchait de crier plus fort. Elle espérait que les secours arriveraient très bientôt, elle ne voulait pas mourir ainsi, sous ces décombres. Elle tenta une nouvelle fois de le secouer, lui arrachant une nouvelle grimace. Elle ferma les yeux, posant son front contre le sien alors que ses larmes coulaient le long de sa joue. Il fallait qu’elle se rende à l’évidence, Jamie ne se réveillerait pas.

Elle releva la tête pour pleurer, quand elle entendit un son s’échapper des lèvres du jeune homme. Quand sa main se posa sur sa joue, Meghan réalisa que Jamie était revenu à lui. Elle posa sa main sur la sienne, et ne put s’empêcher d’éclater en sanglots. « Jamie, tu es réveillé ! » lui lança-t-elle. « J’ai cru que je t’avais perdu ! » Elle tentait de reprendre sa respiration, grimaçant sous la douleur. Elle eut une pointe au cœur lorsqu’il lui demanda où était son ex-femme. Elle s’en voulut de ressentir ça, parce qu’après tout, elle restait la mère de ses enfants, et elle restait celle avec qui il avait partagé un pan de sa vie. « Je ne sais pas. » admit-elle. « Elle était un peu plus loin avec un policier. Je ne sais pas si elle est toujours avec lui, ou si… » Elle ne termina pas sa phrase, c’était inutile, il avait compris. « Tu saignes, Jamie. Tu tousses du sang. » dit-elle en le regardant. Elle attrapa un bout de sa robe, qu’elle voulut déchirer. Elle prit sur elle et cria sous la douleur alors qu’elle tirait dessus pour récupérer le bout de tissu malgré son épaule démise. Elle passa le bout de tissu sur la bouche de l’acteur pour essuyer le sang qui en coulait. « Où est-ce que tu as mal, Jamie ? » demanda-t-elle, inquiète.

Elle avait l’impression que le temps s’était arrêté, autour d’eux ; que le temps avait été comme suspendu alors qu’lele n’était pas encore sûre que Jamie était encore de ce monde. Elle éprouva un sentiment de soulagement lorsqu’il prononça son nom. Elle ne put s’empêcher d’éclater en sanglots, elle avait cru le perdre, le perdre à tout jamais, et cette pensée l’effrayait. Elle tenait à lui, encore beaucoup trop, alors qu’elle était censée l’oublier, et laisser leur histoire derrière elle. Mais cette épreuve l’avait fait réaliser qu’elle l’aimait encore, qu’elle aurait été prête à mourir avec lui, parce que la simple pensée qu’il ne soit plus de ce monde était trop insupportable pour elle. Elle se prit à rire entre deux sanglots, alors qu’il lui disait qu’il lui fallait plus qu’un ascenseur afin de mourir. « Heureusement ! » lâcha-t-elle avant de répondre à son inquiétude. Il voulait savoir où était son ex-femme. Meghan n’en avait aucune idée. La dernière fois qu’elle l’avait vu, c’est-à-dire avant que le plafond ne leur tombe dessus, elle était avec un policier qui la tirait vers lui. Après, elle ne l’avait pas revue. Il fallait dire qu’elle ne l’avait pas cherchée non plus. A peine s’était-elle réveillée qu’elle avait vu Jamie non loin, gisant sur le sol, et elle s’était précipitée à son chevet pour s’assurer qu’il était encore en vie.

Mais bientôt Jamie se mit à tousser du sang, augmentant l’inquiétude qu’éprouvait déjà la duchesse pour lui. Elle n’attendit pas avant de se débrouiller pour déchirer un bout de sa robe, même si cela voulait dire souffrir le martyr pour cela. Il était têtu, persistait à dire, comme depuis tout à l’heure, qu’elle devait se faire soigner. « Ce n’est pas ma priorité, là. » dit-elle en le regardant sérieusement. Pensait-il vraiment qu’elle allait l’abandonner pour aller se faire soigner ? Il était fou de croire ça. « C’est plutôt toi qui dois te faire soigner. » lui dit-elle en essuyant le sang autour de sa bouche. Il disait avoir mal nulle part, mais même si Meghan n’était pas médecin, elle savait que ça n’augurait rien de bon. Soit il était en état de choc, soit il avait des blessures à la colonne vertébrale. « J’ai eu tellement peur de te perdre. » admit-elle en continuant à éponger le sang. Elle posa son autre main sur sa joue, qu’elle caressa doucement. « Pourquoi tu ne m’as rien dit pour Amelia ? » demanda-t-elle, avant de dire aussitôt : « Non, ne réponds pas. On en parlera plus tard, économise tes forces. » Meghan leva la tête, entendant des bruits, des choses bouger. Les secours n’avaient pas traîné pour les dégager de là. Elle plissa les yeux quand l’un des pompiers brandit sa lampe torche vers eux. Elle se releva, difficilement, mais elle se releva. « Occupez-vous de lui, plutôt. C’est grave. Il tousse du sang, et dit qu’il a mal nulle part. Occupez-vous de lui, s’il vous plaît. » fit la duchesse alors que l’équipe lui demanda de suivre l’un des pompiers. « Je ne peux pas le laisser. Laissez-moi attendre que vous le sortiez. » demanda-t-elle, mais elle eut un refus catégorique de la part du Lieutenant, qui demanda à un de ses pompiers de l’aider à sortir de là pour aller se faire soigner. Elle fut prise en charge par les secouristes qui épongeaient ses diverses blessures, celle à sa tête qui lui causait un mal de crâne atroce. On regarda son épaule, alors qu’on hésitait à la lui remettre sur place. Elle expliqua avoir mal à la poitrine, mais qu’elle devait s’assurer que Jamie allait bien. Elle refusait de partir tant qu’elle n’était pas sûre qu’ils l’avaient tiré de là, en toute sécurité. Pourtant, elle sentit sa vue s’embuer, et ses sens qui la perdaient. « Je ne me sens pas bien. » eut-elle à peine le temps de dire avant de s’écrouler dans les bras d’un secouriste. Elle fut plongée dans le noir, oubliant sa douleur lancinante dans la poitrine et sur sa tête.

Jamais elle n’aurait cru avoir à vivre ce genre de situation. Pour elle, ça n’avait lieu qu’à la télé, ou dans les films, mais certainement pas autour d’elle. Mais voilà qu’elle se retrouvait sous les décombres d’un bâtiment, et que Jamie était allongé à côté d’elle, à tousser du sang. La seule chose qu’elle pouvait faire, c’était au moins de lui essuyer le sang qui coulait le long de sa bouche alors que cette vision lui faisait mal au cœur. Elle ne voulait pas croire que ses blessures étaient graves, pourtant, le sang laissait présager du contraire. Elle était dans le déni, elle le savait, mais c’était sûrement mieux ainsi. Alors, elle ne paniquerait pas. Elle qui avait horreur des espaces clos et étroit, elle était vernie. Pourtant, elle se sentait étrangement calme dans cet endroit, maintenant que Jamie avait ouvert les yeux et qu’il était en capacité de lui répondre. Sans doute que l’adrénaline et le choc étaient la raison de ce calme apparent. Elle s’écroulerait sans doute plus tard quand tout serait retombé.

Le jeune homme avait saisi sa main pour l’empêcher de poursuivre ses gestes. « C’est pas le moment d’être têtu. » lui dit-elle en fronçant le nez, alors qu’il se mit à rire à sa phrase d’après. En vérité, Meghan n’avait pas du tout envie de rire, même si elle était évidemment soulagée de voir qu’il était en vie et qu’il lui parlait. Elle dégagea sa main de la sienne avant de recommencer à essuyer le sang autour de sa bouche. « Arrête de rire, tu vas t’étouffer avec ton propre sang. » dit-elle d’un air sévère. Il fallait qu’il économise ses forces. Il était vivant, oui, mais pour combien de temps ? Cette pensée tournait en boucle dans la tête de la jeune femme qui priait intérieurement pour que les secours les trouvent rapidement. Et sa prière fut exaucée, puisque déjà elle vit remuer autour d’elle. Elle expliqua aux secouristes qu’il fallait à tout prix s’occuper de l’acteur, qu’il présentait de graves blessures. Elle leva les yeux en l’air quand il dit aux secouristes qu’elle exagérait toujours. Peut-être était-ce le cas, elle ne savait pas, en revanche, ce qu’elle savait, c’était qu’elle pouvait être irrationnelle en ce qui concernait Jamie. Elle l’avait constaté dans cet accident. La duchesse ne voulait pas quitter les lieux, pas sans Jamie. Cependant, le lieutenant en décida autrement. Elle devait les laisser faire leur travail. Elle devait leur faire confiance mais elle avait du mal à se dire qu’il allait rester là derrière elle, alors qu’elle allait sans doute être amenée à l’hôpital avant lui. Mais très vite, elle sentait que tout tournait autour d’elle, les lampes torches, les voix qui se faisaient plus lointaines. Et puis, tout se brouilla, la plongeant dans le noir totale. Elle avait perdu connaissance, et fut rattrapée de justesse par le secouriste qui parlait avec elle juste avant. Tout s’emballa très vite autour d’elle sans qu’elle en ait conscience.

Quand elle rouvrit les yeux, elle n’était plus sous les décombres, elle était dans un lit d’hôpital, son bras dans une écharpe et un masque à oxygène posé sur son visage. Elle eut du mal à se souvenir de ce qu’il s’était passé, et quand elle le réalisa, elle s’apprêtait à enlever tous les fils qui la reliaient à des machines à côté d’elle, une infirmière entra. « Hop hop hop, que faites-vous ? Vous n’êtes pas en état de vous lever, restez allongée. » Effectivement, c’était mieux, sa tête le lui rappela. Elle se laissa tomber contre son coussin. « L’homme qui était avec moi sous les décombres, Jamie, est-ce qu’il s’en est sorti ? » demanda-t-elle les yeux brillants.

C’était difficile pour elle de se retrouver allongée dans ce lit, après tout ce qu’il s’était passé. Elle se demandait si tout le monde s’en était sorti, notamment parmi les secouristes qui s’étaient retrouvés ensevelis avec elle. Et puis, elle pensa à Jamie, à Amelia aussi, et elle espérait que tous deux allaient bien. Son cœur se serra d’autant plus lorsqu’elle pensa au jeune homme. C’était impensable qu’il puisse y rester. Elle devait s’assurer qu’il allait bien. Alors, quand l’infirmière arriva à ses côtés, elle ne put s’empêcher de lui demander s’il allait bien. Elle s’absenta quelques minutes, lui promettant qu’elle allait chercher des informations à ce sujet. Meghan ignorait si elle était autorisée à le lui dire, mais elle espérait que l’infirmière ferait une entorse à son règlement.

Et puis, elle entra à nouveau dans sa chambre, quelques minutes plus tard, lui apprenant que Jamie avait un poumon perforé et deux côtes cassées. Elle ajouta qu’il avait été plongé dans le coma. La duchesse ferma les yeux quelques secondes, prit sur elle, encaissant durement la nouvelle, mais elle ne voulait rien laisser paraître. Elle rouvrit les yeux. « Mais il va s’en sortir ? » demanda-t-il, inquiète. L’infirmière laissa sous-entendre que oui, mais que tout était malheureusement possible. Le médecin entra par la suite dans sa chambre. « Madame Markle, votre épaule a été démise. Nous vous l’avons remis en place, et vous garderez votre bras en écharpe le temps qu’elle se rétablisse, mais ce ne sera pas long, rassurez-vous. Concernant votre tête, vous vous êtes cognées plutôt violemment. Vous souffrez d’un traumatisme crânien. C’est pourquoi, nous vous gardons en observation pendant 48 heures. Suite à cela, nous ferons de nouveaux examens afin de nous assurer que tout va bien. » Elle acquiesça d’un mouvement de tête, afin de lui signifier qu’elle avait compris.

Quelques jours passèrent durant lesquels la jeune femme se reposa dans sa chambre, espérant très bientôt s’en échapper, ce qu’elle fit aussitôt après avoir vu le feu vert des médecins. Alors qu’elle savait qu’Harry devait venir la chercher, elle avait décidé de lui donner une heure plus tardive, afin de pouvoir aller voir Jamie. Elle se rendit à son chevet, alors qu’elle ignorait s’il était encore dans le coma, ou s’il était seulement endormi. Elle caressa doucement son visage, puis posa sa main dans la sienne, celle qui n’était pas en écharpe. « Je t’aime Jamie. » lui dit-elle. « Et je suis désolée pour tout. » dit-elle la voix pleine de regrets.

Ces derniers jours, elle était méconnaissable. Elle avait les traits tirés, et ne sortait de chez elle que pour sa visite quotidienne à l’hôpital, auprès de cet homme qui dormait à poings fermés. Elle espérait qu’il puisse l’entendre, qu’il puisse ressentir sa présence, mais elle n’avait aucune idée de si c’était réellement le cas. Cependant, le simple fait d’être en sa présence l’apaisait, et elle pouvait passer des heures entières, à demi-affalée sur le fauteuil, trouvant cette paix intérieure qu’elle n’arrivait pas à trouver chez elle, tantôt en posant sa tête sur leurs mains entrelacées, tantôt en laissant sa tête posée contre l’appui-tête du fauteuil. Beaucoup s’interrogeaient sur cette visiteuse inconnue qui passait de nombreuses heures au chevet de cet homme endormi. Il fallait dire qu’elle avait su se camoufler, afin de ne pas être reconnue, vêtue très souvent d’une casquette dans laquelle elle mettait en boule ses longs cheveux bruns, et portant un masque obligatoire dans ce lieu, qui lui cachait une bonne partie du visage. Elle avait les traits tirés, et ne dormait que très peu. Elle revoyait des flashes de cet accident, elle revivait l’à-coup qu’elle avait ressenti lorsque le plafond s’était effondré sur elle et qu’elle s’était retrouvée à terre. Encore parfois, de violentes migraines apparaissaient, suite à son traumatisme crânien. Le médecin s’était voulu rassurant en lui disant que ça finirait par disparaître, mais en attendant, elle ne pouvait se soulager qu’à base de médicaments qui ne faisaient effet qu’à moitié. Sans doute, parce que son esprit était trop préoccupé.

C’était sans compter son humeur changeante. Tantôt elle souriait, tantôt elle pleurait pour un rien. Elle se sentait vide, alors qu’elle se revoyait dans son lit d’hôpital, du sang coulant le long de ses jambes. Sa première pensée fut que ce n’était pas normal, parce qu’elle avait eu ses règles deux semaines auparavant. Et après examen, il ne s’agissait effectivement pas de ses menstruations, mais d’une fausse couche, due à l’accident. En l’espace de quelques minutes, elle dut encaisser le fait qu’elle avait été enceinte de quelques semaines, qu’elle ne l’avait même pas su, car d’après les médecins, cela ressemblait à un déni, mais qu’en plus, elle venait de subir une fausse couche, du fait de cet accident. Cela avait été un choc pour la duchesse qui s’était mise à pleurer de façon incontrôlable, priant les médecins de ne rien dire à son mari, tout simplement parce qu’elle ne savait même pas si c’était lui le père. Et elle repensait à cette journée, encore et encore, s’en voulait terriblement de ne pas avoir pris conscience de son état avant. Alors, cette chambre d’hôpital, dans lequel son ancien amant était allongé, était un refuge, une bulle dans laquelle elle n’avait pas à penser, si ce n’était à lui.

Et ce fut lors d’une de ses visites quotidiennes qu’une infirmière entra dans la chambre en même temps qu’elle, après l’avoir saluée. Elle venait prendre ses constantes avant de se tourner vers la duchesse, les yeux ébahis, en lui disant que monsieur Dornan venait d’ouvrir les yeux et qu’elle allait appeler un médecin. Meghan écarquilla les yeux, si tenté que l’infirmière puisse réellement les voir sous sa casquette qui lui tombait sur le visage. Elle se précipita au chevet du Dornan. « Jamie ! Tu m’entends ? » demanda-t-elle. « C’est moi, c’est Meg. » lui dit-elle alors qu’elle entendait le médecin et l’infirmière venir.

Elle savait au fond d’elle que Jamie finirait par se réveiller. Elle ne savait pas quand, les médecins ne le savaient pas non plus, mais il y avait cette chose au fond d’elle qui l’empêchait de perdre espoir de revoir ses yeux clairs s’ouvrir un jour. Et ce jour-là arriva enfin, au grand soulagement de la duchesse qui ne comprit pas dans un premier temps ce qu’il se passait, alors que l’infirmière venait prendre les constantes du jeune homme, avant de l’informer qu’il venait d’ouvrir les yeux. Elle s’était précipitée à son chevet, comme pour s‘assurer que l’infirmière disait vrai. Elle avait envie de pleurer, de soulagement, de fatigue, de nervosité, de joie. Tant de sentiments qui se mélangeaient en elle et qui l’empêchaient de penser correctement. Mais ces sentiments furent balayés lorsqu’elle entendit sa voix, qui lui confirmait qu’elle l’entendait bien. Elle prit une profonde inspiration alors qu’il déposait une main sur sa joue. Elle ferma les yeux quelques secondes, comme pour s’assurer que ce n’était pas un mirage et qu’elle sentait bel et bien sa main sur sa joue plus creuse que d’ordinaire, à cause sans doute du manque de sommeil et de faim qu’elle éprouvait en ce moment. Elle n’eut pas le temps de lui parler que déjà, on lui demandait si elle pouvait sortir. « Je reviens tout à l’heure. » lui promit-elle en prenant sa main dans la sienne, avant de tourner les talons pour ressortir dans le couloir.

C’était difficile pour elle de se retrouver dans le couloir, à attendre que les médecins finissent de discuter avec Jamie, sans doute pour s’assurer qu’il ne souffrait d’aucune séquelle, la ramenant à la place qu’elle était : une simple amie aux yeux du monde. Elle se sentit extrêmement seule l’espace de quelques secondes, une solitude qu’elle n’arrivait pas à combler depuis quelques semaines. Elle se sentait bête d’éprouver ça, se sentait bête de pleurer un petit être qu’elle n’avait pas connu, et qui commençait seulement à être formé. L’infirmière qui l’avait aidée à traverser ça, lui avait pourtant dit qu’il était naturel de se sentir ainsi, parce que c’était malgré tout son enfant qu’on venait de perdre, et qu’elle pouvait trouver du soutien auprès de sa famille, de ses amis, ou de professionnels. Mais qu’allaient penser ces professionnels de cette duchesse de Sussex qui venait pleurer dans leur bureau, parce qu’elle venait de faire une fausse couche, ne sachant même pas qui était le père de cet enfant ? Elle ne pouvait pas prendre le risque cela se sache, même si ces professionnels étaient tenus aux secrets médical et professionnel. Quel scoop serait-ce.

Elle sortit de ses pensées, lorsqu’elle vit le personnel médical sortir de la chambre de Jamie, l’informant qu’elle pouvait revenir à ses côtés. Elle s’approcha d’abord timidement, ne sachant pas où se placer, ce qui était bête, elle qui avait toujours été plus ou moins sûre d’elle, et notamment aux côtés de Jamie. Elle reprit place à côté de lui, debout, sa main posée sur la sienne. « Tu t’es fait attendre. » lui dit-elle avec un sourire triste. « Emily est également venue te rendre visite, à plusieurs reprises. Sam aussi. Ils étaient inquiets pour toi. » lui apprit-elle. « Comment te sens-tu ? »

Meghan, dans ce couloir, se doutait bien que les médecins faisaient état de son réveil, et des séquelles que ce temps plongé dans le coma avait pu lui donner. Elle savait également qu’ils allaient lui apprendre le fait qu’Amelia, son ex-femme, était également dans le coma, mais que contrairement à lui, les chances pour qu’elle se réveille étaient nulles. La duchesse savait que cela allait être un moment difficile pour le jeune homme qui allait sans doute devoir, à un moment donné, prendre une terrible décision. Pour l’heure, Meghan jugeait qu’il devait plutôt se concentrer sur son rétablissement. Même si elle n’avait jamais porté Amelia dans son cœur, elle était malgré tout peinée de savoir que cette dernière ne se réveillerait jamais de son coma, et que ses enfants, après avoir perdu leur sœur, allaient sans doute perdre leur mère. Elle eut un pincement au cœur à cette pensée.

Mais rentrer dans cette chambre, et le voir éveillé, les yeux grands ouverts, était un soulagement pour la duchesse qui réalisait qu’enfin, après ces trois longues semaines, il avait ouvert les yeux, et pouvait parler. Elle qui se sentait terriblement seule ces derniers temps, avec ce vide en elle qu’elle n’arrivait pas à combler. Elle qui avait perdu le sourire, et qui souffrait en silence, parce qu’elle ne savait pas à qui en parler. Elle se sentait comme prise au piège de ses erreurs qui commençaient à la rattraper. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher d’être auprès de la cause de toutes ces erreurs. C’était plus fort qu’elle ; elle en avait besoin. Cependant, d’autres avaient ressenti ce même besoin alors qu’il était dans le coma. A commencer par Sam qui semblait très abattu par la situation. Elle avait pu le croiser dans les couloirs de l’hôpital, et il semblait désemparé de savoir son ami dans le coma, alors que sa vie semblait prendre l’eau. Et puis, il y avait aussi eu Emily. « Ça ne me déplaît pas, Jamie. Elle a le droit de te rendre visite. » dit-elle avec un léger sourire, même si Meghan savait qu’Emily était sans doute encore très amoureuse de Jamie. Ce dernier expliqua en quoi consistaient ses douleurs, lui disant que le médecin lui avait administré de la morphine, et lui rappelant au passage la fois où Emily était hospitalisée, perturbée par la morphine. Meghan ne put s’empêcher de laisser échapper un léger rire. « Je m’en souviens très bien. Tout l’hôpital a failli être au courant de votre liaison. » fit-elle, amusée. Son sourire s’effaça pour laisser place à une mine plus triste, grave, même si elle s’efforçait de minimiser les choses. « J’ai eu l’épaule démise. On me l’a remise et j’ai dû garder le bras en écharpe pendant quelques temps, mais ça s’est vite rétabli. » lui dit-elle en bougeant son bras, pour lui montrer qu’elle n’avait plus mal. « J’ai également eu un traumatisme crânien, qui s’est résorbé, mais pour lequel je dois encore faire attention. C’est à surveiller, mais je n’ai plus rien. Seulement une belle cicatrice pour me le rappeler. » lui dit-elle en baissant sa tête, comme si à travers ses cheveux il pourrait la voir. Elle posa instinctivement sa main sur son ventre avant de tirer sur son pull, comme pour le défroisser. « Enfin voilà. Je ne suis pas restée très longtemps à l’hôpital. J’ai pu rapidement rentrer. » fit-elle simplement en haussant les épaules. Elle releva les yeux vers lui, sa main dans la sienne. « Je suis désolée pour Amelia… » dit-elle après un court silence.