«  Au nom du père, du fils, du Saint-Esprit, Amen. »  Amen. Ou comment grandir avec un père pasteur. J’hésite entre rire ou pleurer. C’est vraiment pas une chance, je veux dire un pasteur ça a des idées bien arrêtées, puis bon c’est les messes, les prières avant de manger, les couvre-feux, pas de copains à la maison, tu ne sors pas en boîte. Seulement, je suis le genre de fille que, si on me dit une chose je fais tout le contraire. Puis maman tenant son gîte, quand il y avait une famille qui débarquait avec un jeune garçon je ne me privais pas pour me montrer sur mon meilleur jour, voir même à le séduire sans forcément aller plus loin. Finalement, j’avais trouvé de quoi détourner les règles de mon père. Devant lui, je me la jouais gentille jeune fille frêle, sensible et prude. Mais dans son dos, j’étais tout le contraire.
« Vous êtes mannequin ? » Je me retourne, ha ben non, il s’adresse bien à moi. Je plisse mes lèvres, essaye de décoder si il se fou de moi. Mais non, il a l’air bien sérieux le petit vieux. «  Non, pourquoi ? » Je suis juste venue m’acheter des tomates et voilà pas que j’ai peut-être l’occasion de ma vie. «  Vous avez l’allure. » Dit-il simplement. Il me passe sa carte, je la garde bien précieusement dans ma main, la serrant un peu trop fort, peur de la perdre. Peur de perdre ma carte pour la liberté.
Première séance photo, sélection. J’sais pas trop je ne suis pas trop à mon aise dans la salle d’attente puis c’est la première fois et quand je vois les beautés qui m’entourent … Finalement, devant l’appareil photo je me sens comme chez moi, mes angoisses se sont envolées. Comme si j’avais fait sa toute ma vie. Finalement je suis repérée par une agence de Londres, j’accepte le contrat et tourne le dos à ma vie, ils ne sont pas d’accord avec mon choix de vie. Il faut dire qu’ils sont vieux jeux, ils n’aiment pas les paillettes, c’est plus campagne et champs à perdre de vie, mais moi, je ne suis pas pour cette vie-là.  Ma carrière prend vite de l’ampleur, je fais la une des couvertures, ensuite je passe dans deux trois pubs, je signe des contrats dans plusieurs agences. Je deviens vite une star et j’aime cette vie. Une année après, j’apprends la mort de mon père. Je ne sais pas trop comment je devais réagir, mais bizarrement je n’ai rien ressentit, du moins je n’arrive pas à m’exprimer. J’étais tellement attachée à lui mais j’ai l’impression que la célébrité m’a enlevée toutes émotions. Tombée dans l’alcool et la coke, passage obligé vers la désintox. Reprise de la carrière, passage chez Victoria Secret, création d’une ligne de vêtement. Une vie de rêve qui pour moi vire petit à petit à l’enfer.
Un petit ami, 10 ans en moins que moi, j’ai l’impression de ne plus réellement me retrouver. J’ai l’impression de ne plus être moi, de ne plus avoir mes valeurs, j’ai l’impression que la vraie Behati est restée en Namibie. Je décroche un contrat pour la création d’une nouvelle ligne de vêtement à Astoria, je saute sur l’occasion, changer de vie, changer d’air.
Puis t’es apparu, comme une bombe dans ma vie. Il n’avait pas d’alchimie entre nous, il n’a fallu que d’une nuit. Tu es arrivé avec tes gros sabots et tu m’as chamboulée, tu as pris mon cœur et tu le retiens prisonnier. Je veux pas me l’avouer, je ne veux pas rendre ma vie encore plus compliquée qu’elle n’est mais il est évident que mes sentiments ont pris une ampleur disproportionnée. Je descends les poubelles, je t’envoie un message pour te voir, même si ce n’est qu’une seconde mais j’ai besoin de sentir ta présence à mes côtés. J’ai besoin de sentir mon estomac se retourner en te voyant, j’ai besoin de me sentir vivante. On se retrouve, on se donne l'un à l'autre, mais l'éternelle question. Est ce que notre relation se résume à ça ?

Est-ce que je pourrais me qualifier de femme un peu rattrapée par les évènements de la vie ? Dois-je commencer par l’extérieur de ma personne ou l’intérieur ? Car il y a un grand contraste. Commençons par le commencement. Etant mannequin, je dois toujours montrer une belle image de moi, toujours à la mode, souriante, cheveux impeccable peigné. Aucun faux pas ou ma carrière est complétement au point mort. Je montre que je suis heureuse, la tête levée. Je fais tellement bien la comédie que j’ai exactement la même attitude envers mes amis et mon entourage. Mais au fond ; j’ai l’impression d’avoir loupé ma vie car mise à part une carrière magnifique, qu’est-ce que j’ai d’autre ? J’ai 28 ans - avec un mec 10 ans en moins que moi et qui dans quelques années me laissera tomber pour une bimbo – je n’ai pas d’enfant – et mon horloge biologique est en marche – Je suis suive par les paparazzis qui me prennent en photo au moindre pet de travers. Je suis enfermée dans mon corps et dans tout ce bordel.
Sinon, je suis plutôt genre fille sensible mais qui ne s’assume pas. Je suis plutôt expressive au niveau de mon visage et quand quelque chose cloche généralement ça se voit, mon visage se décompose sur le champ. Malheureusement, ça peut souvent me porter préjudice. J’ai pas ma langue de ma poche, quand j’ai quelque chose à dire je le dis que ça plaise ou non, ça s’appelle la liberté d’expression. Je suis plutôt folle dans ma tête, encore un peu gamine. Le genre de fille qui serait capable de monter dans une caddie de supermarché pendant que quelqu’un d’autre la pousse, tu vois le genre ? J’aime manger du chocolat en cachette et même si j’en aurais encore sur le coin des lèvres je saurais te persuader que je n’y ai pas touché. J'aime pas trop parler de mes sentiments et tout ça, je suis pas quelqu'un d'expressif, je préfère les gestes aux paroles. 

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